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© Natacha Colmez-Collard

Camille Pépin : rencontre avec une jeune compositrice française

15 septembre 2018

A elles de s'exprimer ! Chaque mois, nous vous proposons de rencontrer une femme du milieu de la musique classique, une personnalité qui nous a touchés, captivés, surpris, et qui nous parle de son parcours ou de l'actualité musicale. 

    Ce mois-ci, pour le lancement du projet ComposHer, nous vous proposons de (re-)découvrir Camille Pépin ! Jeune compositrice française, elle a du talent à revendre, et a généreusement accepté de répondre à nos questions.

      Née en 1990, Camille Pépin a un répertoire varié et est jouée par de nombreux ensembles. Chez ComposHer, on adore par exemple Kono Hana (pour violoncelle solo) et le récent Early Summer Rain (marimba, violon, piano). Vous pouvez (re-)découvrir ses œuvres sur sa chaîne YouTube, jeter un œil à son site web et bien sûr, rester connecté sur ComposHer pour suivre son actualité ! En attendant, on en apprend plus sur son parcours et ses projets dans l'interview qui suit ...

Vous n'avez pas suivi des cours de composition en tant que tels mais des classes d'analyse, d'écriture, et d'orchestration. Pourquoi avez-vous choisi de vous lancer dans la composition ? Quels sont les éléments qui vous ont attirée dans cette discipline plus que dans la pratique instrumentale ?

 

Pratiquer l’instrument pour donner des concerts ne m’a jamais réellement attirée. Dès le plus jeune âge, ce que j’aimais, c’était lire, découvrir, analyser, décrypter les œuvres. C’est donc assez naturellement que j’ai commencé à écrire de petites choses vers douze ou treize ans. Cela me procurait un bien-être fou et j’ai continué. Aujourd’hui encore, composer est mon moyen d’expression. Il m’est plus facile de dire les choses avec des notes qu’avec des mots, peut-être. Écrire, c’est aussi un refuge et un exutoire contre les angoisses et les horreurs du monde qui nous assaillent.


 

Pourquoi avoir choisi d’enseigner parallèlement à votre métier de compositrice ? Trouvez-vous dans l’enseignement des motivations et des inspirations pour la composition ? 

 

Enseigner ne m’inspire pas de façon significative pour écrire mes œuvres, je pense. En revanche, composer est un métier très solitaire et la présence de mes élèves m’apporte de belles rencontres !

J’ai commencé à enseigner dès l’âge de 18 ans pour pouvoir payer mes études, et aujourd’hui, j’y prends goût.


 

Quel est votre compositeur favori ? Y a-t-il une compositrice ou une femme du milieu de la musique que vous admirez tout particulièrement ?

 

J’aime plusieurs compositeurs et compositrices… et pour des raisons différentes !

J’aime tout particulièrement Steve Reich dont je suis tombée amoureuse à l’adolescence ; Bartok pour son orchestration, ses rythmiques et son langage modal ; Debussy pour la personne qu’il était, son orchestration, son langage, son attention au détail ; Dutilleux pour son orchestration et son univers poétique ; Stravinsky et Tchaikosvy pour la musique de leurs ballets ; Jennifer Higdon pour ses œuvres orchestrales ; la poésie du langage de Kaija Saariaho ; l’orchestration de Lili Boulanger qui aurait probablement créé de véritables chefs-d’œuvre musicaux si elle avait vécu plus longtemps… Enfin, j’admire tout particulièrement la musique de mes anciens professeurs : Guillaume Connesson, Thierry Escaich et Marc-André Dalbavie qui m’ont tous les trois beaucoup apporté pour me définir musicalement !


 

Vous avez composé la quasi-totalité de vos œuvres sur commande. Appréciez-vous particulièrement cette façon de travailler sous contrainte ou souhaiteriez-vous parfois davantage de liberté ?

 

Je n’ai jamais envisagé d’écrire autrement que sur commande, parce que je n’en ai tout simplement pas le temps ! J’aimerais parfois avoir le luxe de choisir ou de préciser l’effectif pour lequel l’on me demande d’écrire, et il en va de même pour le choix des interprètes. C’est certain ! Mais écrire sur commande me convient très bien, et il faut bien avouer que c’est le seul moyen d’être rémunérée.


 

Quelle est l’œuvre que vous avez composée qui vous semble la plus aboutie, et pourquoi ?

 

C’est difficile de répondre à cette question car mon catalogue n’est pas très grand, et je n’ai pas des années d’expérience… Je pense peut-être à ma pièce Chamber Music sur des poèmes de James Joyce écrite pour Fiona McGown et l’Ensemble Polygones. Il s’agit de l’œuvre la plus conséquente que j’ai écrite (une demi-heure) et c’est la pièce sur laquelle j’ai passé le plus de temps. Être immergée pendant de nombreux mois dans cet univers m’a probablement fait aller plus loin que pour les autres pièces. Je pense aussi que c’est véritablement avec cette œuvre que je me suis « trouvée ». Mes œuvres précédentes tâtonnent encore, et Chamber Music a été décisive pour la suite. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai souhaité produire mon premier disque autour de cette œuvre et de celles qui ont suivies car elles sont d’une même « veine ».


 

La fréquence à laquelle vous produisez des oeuvres de musique de chambre est impressionnante. Vous avez également composé pour orchestre, notamment avec Vajrayana, l’un de vos grands succès ! Envisagez-vous désormais de composer pour l’opéra, domaine particulièrement délaissé des compositrices ? Ou au contraire d’écrire pour instruments modernes ? En bref, quel est votre prochain grand projet ?

 

Pour le moment, l’opéra ne m’attire pas réellement, contrairement au ballet, dont je rêve depuis presque toujours ! J’aime la danse, et j’ai d’ailleurs besoin de sentir corporellement les choses pour les coucher sur le papier lorsque je compose. C’est un projet qui me plairait beaucoup !

Écrire des œuvres pour solistes et orchestre m’attire beaucoup aussi ! Je vais d’ailleurs écrire deux double-concertos à la saison prochaine.


 

Que pensez-vous de la place accordée aux femmes dans le milieu de la musique en France ? Estimez-vous que le fait d’être une femme vous ait desservie ou ralentie, à un quelconque moment de votre carrière musicale ?

 

Être une femme ne m’a jamais ralentie, ni desservie ! J’ai poursuivi mes études avec tant d’ardeur que je crois que je n’ai pas toujours fait attention aux quelques remarques « conservatrices » que je pouvais entendre au Conservatoire… J’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui ne me traitaient pas différemment parce que je suis une femme, et cela ni dans un sens, ni dans l’autre. Il y a eu quelques fois où l’on était surpris que « Camille » sur la liste des élèves soit une femme et non un homme en écriture et en orchestration, mais cela uniquement par habitude. J’étais en effet la seule fille de ma classe dans ces deux disciplines. J’ai déjà entendu certains professeurs hommes dire que les femmes n’avaient pas le mental pour être cheffe ou compositrice ou que les femmes ne pouvaient jouer de harpe car elles n’étaient pas assez musclées… Pourtant, il y en a ! À nous de poursuivre notre chemin et ce que nous aimons !

Aujourd’hui, je ne suis plus étudiante et composer est mon métier. La mode est de faire découvrir la musique des compositrices (d’hier et d’aujourd’hui), et j’ai conscience d’avoir eu des œuvres jouées pour cela dans des programmes « compositrices ». Ces concerts ne représentent pas la majorité de mes projets et je n'en suis pas à l’initiative, mais l’on m’a déjà dit que je n’avais des commandes que parce que j’étais une femme justement… et que je n’en aurais pas eu si j’avais été un homme !

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