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Clara Schumann - Piano works

Dernière mise à jour : 19 août 2021

19 mars 2021

Clara Schumann :

Romances, op, 11 (1838-39)

Fugitives, op 15 (1840-1844)

Romances, op 21 (1853)

Impromptu en mi mineur

Prélude et fugue en fa dièse mineur

Scherzo n2 op 14 (1841)

Souvenir de Vienne op9 (1838)

Valses romantiques op4 (1835)

Variations sur un thème de Robert Schumann pour piano, « Ihm gewidmet » op. 20 (1853)


Junghwa Lee, piano



Pour les deux cents ans de la naissance de la Clara Schumann, Junghwa Lee livre au label Centaur un portrait intimiste de la pianiste et compositrice. L’amitié naît alors de l’hommage, dans une douce romance…


Clara Schumann (1819-1896) s’illustre comme une brillante pianiste, une muse et surtout une compositrice de talent, trop souvent dans l’ombre de son mari, Robert Schumann. Elle a cependant marqué le romantisme musical, et l’art du XIXe siècle, ce que s’attache à montrer ce disque avec un panorama de l’œuvre intime de l’artiste.


Loin de suivre un parcours chronologique, le disque préfère évoquer les mouvements de l’âme de la compositrice, des élans de jeunesse, aux renouveaux, en passant aussi par ses déceptions. On traverse ainsi les différentes Romances qui agitèrent la vie de Clara Schumann, amour ou admiration de la musique mais aussi des hommes qui ont marqué, peut-être à tort, sa vie, et sa vie de musicienne par la même occasion.


Grâce à l’exécution régulière et harmonieuse de Junghwa Lee, on (re)découvre une œuvre véritablement personnelle, et l’on se fait surprendre par les aspérités d’une œuvre très loin de l’image policée que l’on se fait de Clara Schumann en tendre épouse dévouée. Les Romances opus 21, composées un an avant que Robert Schumann, son mari, n’entre à l’asile, témoigne d’une volonté de « décorsetage » qui ne tient pas, et loin de là, qu’à la métaphore du vêtement, pourtant dans l’air du temps. Dans son « Agitato », Clara Schumann dose ainsi non sans ironie les saillies et groupements faussement volubiles par des appuis et un contrechant de la main gauche qui tient véritablement les accélérations. Ce n’est que dans un second temps qu’elle s’autorise des décrochages poétiques tout en délicatesse et sous-entendus. Junghwa Lee se prête alors parfaitement au jeu des hésitations (contrôlées) de la compositrice.


La grande réussite du disque tient dans la grande homogénéité du programme. Il ne s’agit cependant pas d’une longue logorrhée pianistique. Bien au-delà, les choix de ce programme illustrent avec une grande justesse une œuvre complexe, en lui donnant un sens, c’est-à-dire une direction. Junghwa Lee s’illustre dans cet exercice, avec une précision constante, et une aisance technique qui rend de façon extrêmement fidèle les variations de masses rythmiques et sonores dont use constamment Clara Schumann (les Variations sur Robert Schumann mêlent ainsi envolées lyriques et séquences appuyées et renforcées par les appuis harmoniques). Les Prélude et fugue, presque baroques tant l’influence de Bach est présente, peuvent ainsi se comprendre mis en parallèle avec d’un côté L’Impromptu, et de l’autre le Scherzo, progression rythmique mais aussi thématique.

Clara Schumann avait l’âme d’une grande compositrice, son Scherzo montre en effet la richesse de ses lignes mélodiques, et ses possibilités harmoniques, annonçant une musique bien plus imposante que celle qu’elle a réellement eu les moyens de faire. En témoignent aussi les Variations sur un thème de Robert Schumann, auxquelles est ajoutée la célèbre dédicace « pour mon cher mari, à l'occasion du 8 juin 1853, encore une fois un timide essai de sa vieille Clara ». Or Clara est peut-être timide dans ses formations, mais jamais dans ses idées.


C’est peut-être le reproche qu’on peut faire à Junghwa Lee, qui joue davantage qu’elle n’interprète Clara Schumann. On aurait ainsi pu souhaiter que la pianiste fasse davantage corps avec l’autre pianiste, Clara et Junghwa. La cohésion s’avérant ici davantage technique, elle laisse un peu trop de côté toute la dimension subjective et onirique de Clara Schumann. Derrière les reprises et les hommages de la compositrice, comme dans Souvenir de Vienne, hommage au quatuor Empereur de Haydn (1797), on reconnaît en effet un goût prononcé pour le rêve, le détournement, et surtout une compréhension complète de l’essence de la musique, qui lui permet de jouer avec le morceau et ses enjeux techniques au détour d’une phrase de valse enthousiaste et enthousiasmée.


Au-delà de l’œuvre d’une compositrice, on comprend aussi à travers ce disque l’âme d’une jeune femme profondément passionnée et ne voulant rien se refuser, en dépit des contraintes qui lui sont imposées. Clara Schumann se prête ainsi à une certaine modernité que l’on décèle dans certains accords atypiques d’œuvres pourtant de jeunesse, que sont d’un côté les Valses (1835), de l’autre les premières Romances (1838-1839). Les Valses sont la marque de l’époque des salons qu’animait la compositrice, et de cette joie de la stimulation musicale, tandis que les Romances sont bien plus sombres, interrogeant déjà les raisons, et les fondements, de cet amour destructeur, personnellement et professionnellement, que fut Robert Schumann. Balançant entre les deux, l’“Andante” de la Romance de 1853 propose une première réponse, désabusée. Les Variations sur Robert Schumann donnent elles une seconde possibilité, échappatoire en forme de troisième voie/x.


Pudique, Clara Schumann se dit en creux, en négatif, pourtant c’est dans ce négatif qu’on la discerne le mieux, à travers son plus pur et plus proche instrument, le piano, volet ouvert sur son âme et sur sa musique…



Claire Massy-Paoli



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