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Cordes en folie avec Mendelssohn, Maier, Gipps et Pépin - Florilège

09 avril 2022

Il suffit d’écouter quelques minutes du Concerto pour violon d’Amanda Maier pour comprendre que la compositrice était elle-même une virtuose de l’instrument : d’un bout à l’autre de cette courte œuvre de jeunesse (un seul mouvement de dix-sept minutes à peine, écrit à l’âge de dix-huit ans), le violon virevolte sans interruption ou presque. Qu’il brille seul, lorsqu’il occupe le devant de la scène avec des thèmes truffés d’octaves, ou accompagne l’orchestre avec des triolets compliqués, il n’y a guère de répit pour la soliste - malgré le tempo relativement modéré choisi ici, qui alourdit parfois les passages rapides. Cecilia Zilliacus s’en sort avec aisance, les traits demeurant toujours précis et les articulations claires ; même si son jeu orné de glissades et de notes enflées pèse parfois inutilement sur le phrasé. Derrière elle, le Vasteras Sinfonietta est parfaitement à l’écoute lors des nombreux moments de dialogues avec le violon, mais sans parvenir à insuffler de véritable caractère à ses interventions - les thèmes des bois manquant parfois d’esprit, les cordes demeurant un peu trop massives tout au long de la pièce. Le disque vaut malgré tout le détour : d’abord parce qu’il s’agit seulement du deuxième enregistrement du concerto à voir le jour sur les plateformes, ensuite parce que celui-ci s’y trouve intelligemment mis en relief avec ceux de Julius Röntgen, le mari de Maier, et de Johannes Brahms, qu’elle a fréquenté dans des salons. Similarités et clins d'œil, volontaires ou non, abondent dans les trois œuvres - l’occasion de se souvenir que le célèbre Concerto de Brahms fut composé trois ans après celui de Maier !


Clara Leonardi

 

Les amateurs et amatrices de la musique de Camille Pépin peuvent se réjouir : son quatuor à cordes Feuilles d’eau de Silvacane est arrivé au disque. Dans cette œuvre d’un seul tenant, la compositrice déploie à nouveau son talent pour créer une ambiance sonore scintillante et contemplative, mettant pour cela à profit la variété des timbres des instruments à cordes, et leurs multiples modes de jeu. Après une longue introduction faite de nappes de sons et de glissendi, on retrouve son écriture rythmique caractéristique, où les mélodies se dégagent au-dessus d’un tapis harmonique de notes répétées. Si l’écriture est globalement dense, Camille Pépin sait varier les textures en explorant différentes nuances et registres. Grâce aux glissendi et pizzicati qui font écho à ceux de l’introduction, elle joue entre ces deux atmosphères, passant de l’une à l’autre, les mêlant en une. Il faut saluer le Paris Urban Quartet, qui incarne avec vivacité ces allers-retours entre un caractère exalté, presque agressif, et des bribes de mélodies plus mélancoliques bien que toujours passionnées. Pour finir, retour au tapis sonore initial, très aquatique et imagé. Malgré quelques longueurs - et finalement peu de repos pour l’oreille, la texture restant dense tout du long -, le paysage sonore dessiné par Camille Pépin est fascinant et poétique, et l’on s’y laisse entraîner.

Marie Humbert

 

Le dernier album du Trio Chausson, sorti en janvier chez Mirare et consacré à Fanny et Felix Mendelssohn, nous rappelle que le Trio Chausson est un très grand trio, et Fanny Mendelssohn un très grande compositrice. Le disque s’ouvre sur son merveilleux Trio en ré mineur, où la compositrice déploie un romantisme tantôt échevelé tantôt contemplatif et apaisé.

Dans le premier mouvement, un « Andante » fleuve, la partition et les musiciens nous passionnent du début à la fin, à travers une succession de passages d’une densité presque orchestrale et d’accalmies suspendues. Au piano, Boris de Larochelambert déploie une superbe virtuosité sans jamais faire de l’ombre à ses partenaires, le violon lumineux de Matthieu Handtschoewercker et le violoncelle chaleureux d’Antoine Landowsky. L’interprétation est tout à la fois précise et généreuse, et on sent l’habitude et le plaisir que ces trois musiciens ont à jouer ensemble. L’« Andante espressivo » qui suit est l’occasion pour le Trio de montrer qu’ils excellent également dans une écriture plus épurée. Le mouvement déploie dans une apparente simplicité un thème bouleversant d’expressivité qui met en valeur les timbres des trois instrumentistes et leur sens de l’écoute. Après le charmant et court Lied qui compose le 3ème mouvement, le 4ème mouvement s’ouvre comme une valse pour piano (on y trouve une grande proximité avec Chopin, contemporain de la compositrice). L’entrée des cordes amène vers tout autre chose, un « Allegretto moderato » tantôt espiègle tantôt lyrique. Un rappel du 1er mouvement clôt cette œuvre magistrale, qui n’a rien à envier au Trio de Felix Mendelssohn !


Marguerite Clanché

 

La discographie de la très prolifique compositrice anglaise Ruth Gipps s’étoffe ces dernières années, et c’est tant mieux ! Dans Opalescence, c’est la musique de chambre qui est mise à l’honneur, avec d’abord la Sonate pour violoncelle et piano : un mouvement lent éthéré contraste avec le Finale vif et sautillant, où le dialogue virevoltant entre le violoncelle de Joseph Spooner et le piano de Duncan Honeybourne ne laisse que très brièvement place à un thème contemplatif. On nous présente ensuite quelques œuvres pour piano : The Fairy Shoemaker, un brin grinçant et populaire, laisse la place au poétique Thème et Variations, op. 57a. On regrette que le piano y manque parfois de fluidité, alors que les variations, souvent mélancoliques, s’enchaînent sans rupture. Ruth Gipps est anglaise, on ne peut en douter en écoutant The Ox and the Ass, simple mais touchante réécriture du chant de Noël du même nom pour contrebasse et piano. On reste dans une atmosphère similaire avec les arpèges ruisselants d’Opalescence, pour piano seul. Le Scherzo and Adagio pour violoncelle seul est une rupture : l’alternance entre pizzicati ponctuants et mélodies lancinantes, parfois en doubles cordes - non exemptes de quelques références à Bach - font appel à des émotions plus vives. C’est la curieuse Sonate pour contrebasse et piano qui conclut l’album. La grande tessiture de l’instrument, qui chante sous l’archet de David Heyes, permet de nombreux échanges de registres entre les deux instruments. Le premier mouvement explore une certaine opposition entre un piano presque dansant, inexorable, et une contrebasse interrogative. Les harmonies sucrées du piano accompagnent une basse particulièrement mélancolique dans le deuxième mouvement. Le « Vivace » final est à l’image de l’album : il peine à convaincre, peut-être à cause d’une interprétation trop sage qui ne permet pas à l'œuvre de vraiment briller malgré l’originalité de son écriture.


Marie Humbert

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