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De Francesca Caccini à Lera Auerbach - Florilège

Dernière mise à jour : 19 août 2021

27 mars 2021


Un voyage dans les sonorités de l’Italie et de l’Angleterre baroques, en passant par celles des mélodies traditionnelles espagnoles et sud-américaines, telle est l’aventure que nous propose l’ensemble allemand Combo CAM. Énergique, chatoyant, réconfortant, unique, les qualificatifs ne manquent pas pour décrire ce florilège de pièces variées et singulières, dont les arrangements brillent par leur richesse et leur originalité. Tout dans les percussions de Hannes Malkowski, les attaques mordantes de la flûte à bec de Friederike Merkel et les accords rythmés de la guitare de Martin Steuber invite l’auditeur à la danse et à l’évasion vers un monde lointain au charme indéniable. Côtoyant les pièces de plusieurs compositeurs et de figures anonymes, le madrigal de Francesca Caccini, Io mi distruggo, et ardo, se démarque par sa ligne mélodique étirée aux inflexions plaintives, agitée par les nombreux ornements qui l’habillent. Seuls le théorbe et le violoncelle soutiennent la voix, laissant celle-ci occuper l’espace sonore et y épancher sa douleur, ce que réalise Viola Blache avec une remarquable maîtrise. Contrairement à la signification de l’expression Lorem ipsum, aucun élément n’est ici à remplacer mais plutôt à goûter avec plaisir : ce disque constitue une porte d’entrée peu conventionnelle à ceux qui souhaiteraient apprivoiser la musique du XVIIème siècle, tout comme un détour plein de promesses pour les plus initiés.


Aurianne Bec

 

Sous les fleurs de cerisier, ce sont deux compositrices qui nous sont données à entendre pour célébrer le printemps : Lili Boulanger et Germaine Tailleferre. L’œuvre pour piano et violon de Lili Boulanger est tout indiquée pour ouvrir les célébrations d’Ostara, puisqu’elle porte pour titre D’un matin de printemps. Elle commence avec un sautillement très vif avec des rythmes pointés au violon comme au piano, dont les accords sonnent comme autant de clochettes. Mais avant de s’épuiser dans leurs sautillements printaniers, nous avons aussi droit aux élans lyrique du violon chantant et du piano aux harmonies très libres. Dans son entièreté, Lili Boulanger nous offre un matin de printemps qui n’a rien à envier aux “Augures printaniers” de Stravinsky. À l’inverse, Germaine Tailleferre nous offre une pièce au titre sobre, presque sec avec sa Sonate pour violon. Ce n’est pourtant pas une œuvre aride, puisqu’on y retrouve toute la verve de la compositrice : c’est presque, dans sa structure en quatre mouvements, une petite symphonie pour violon et piano. Le dialogue entre les deux instruments est extrêmement varié, ne serait-ce que dans le premier mouvement, aux allures tantôt chantantes et tantôt grinçantes. Si le scherzo du deuxième mouvement est une légère brise, le troisième est l’ombre d’un arbre qui repose, par ses calmes harmonies. C’est aussi le mouvement où Malwina Sosnowski et Benyamin Nuss exposent le mieux l’intensité dramatique que peut instiller Germaine Tailleferre dans ses œuvres. Entre la lamentation du violon et les harmonies du piano, on trouve dans ce passage une élégie qui se fait tendre autant que douloureuse, et les trilles du violon, chant d’oiseaux tristes, égrènent leurs dernières notes avant le dernier mouvement qui s’enchaîne dans une folle danse campagnarde.


Gabriel Navaridas

 

On fêtait en 2020 les cent ans de la naissance du thérémine, cet instrument électronique au timbre (ou aux timbres ?) inoubliable. Certes inventé par un homme, ses interprètes les plus emblématiques sont des femmes (notamment Clara Rockmore), et un certain nombre de ces musiciennes sont également compositrices. “Air Electrique”, cet album de Thorwald Jorgensen (thérémine) et Kamilla Bystrova (piano), présente quelques premières mondiales au disque, et tout un pan du répertoire de l’instrument. C’est Lera Auerbach (1973-) qui donne le ton de l’album : jamais enregistrée, sa Suite pour thérémine et piano (en fait 10 préludes arrangés depuis ses 24 préludes pour piano, op. 41) est l’occasion d’explorer les voix du thérémine. Certes, l’inimitable timbre électronique ne le quitte jamais. Mais d’un prélude à l’autre, on passe aussi d’un registre à l’autre : les graves sont sombres, les mediums inquiétants, et les aigus transpercent l’âme. On croit entendre un violon (dans le No. 4 par exemple) dans les attaques ou les notes aiguës, de faux pizzicati (No. 6), un violoncelle et même la voix. L’accompagnement au piano, en notes perlées, arpèges minimalistes ou dense tapis harmonique, permet au thérémine de chanter avec beaucoup de musicalité. Les mélodies développées par la compositrice, notamment dans ce vrai coup de cœur qu’est le No. 7, ou encore dans les numéros 9 et 10, sont tout à la fois naturelles et poétiques. C’est surtout toute une palette de caractères et d’émotions que Thorwald Jorgensen tire de l’instrument : mélancolie, nostalgie, inquiétude, tendresse… Dans la Suite pour thérémine et piano, en 3 mouvements, de Lydia Kavina (1967-), on découvre même une certaine espièglerie teintée de mystère. Il faut dire que la compositrice, grande interprète, connaît probablement l’instrument mieux que quiconque. Elle en exploite toutes les capacités sonores, dans cette œuvre très théâtrale où le thérémine semble jouer tous les personnages. Le piano n’est pourtant pas en reste, et dialogue réellement avec l’instrument électronique. Le 3ème mouvement de la suite est une merveille de poésie qu’on ne se lasse pas d’écouter. C’est enfin la voix de la compositrice Olesya Rostovskaya (1975-) qui s’élève à travers Juliet. On ne pourrait mieux finir : la mélodie intense et émouvante conclut avec brio un album qui ne peut qu’impressionner de musicalité et de virtuosité.


Marie Humbert

 

Parmi les compositrices contemporaines, Graciane Finzi (née en 1945) figure parmi les plus importantes du XXe siècle. Artiste prolifique, elle compte à son catalogue une centaine d’œuvres. Dans son corpus de compositions, figure Winternacht pour violon et piano, que nous interprètent les artistes Agnès Pyka (violon) et Laurent Wagschal (piano) dans ce disque récemment paru chez Klarthe (des œuvres de Philippe Hersant et de Nicolas Bacri sont également présentes sur ce disque).

Winternacht a été composée et créée en 2018, pour les concerts à la Ferme Du Buisson et à l’église Saint Martin de Lognes par les deux artistes. Fruit de la collaboration entre Graciane Finzi , Agnès Pyka et Laurent Wagschal de l’ensemble Des Équilibres, cette œuvre s’inspire de la Sonate pour violon et piano en ré mineur op.100 de Brahms.

Winternacht est structurée en quatre mouvements (Allegro, Adagio, Cantabile et Presto) : chacun des mouvements permet de mettre en valeur les qualités techniques et musicales des deux artistes. En effet, comme le confie la compositrice Graciane Finzi dans la pochette accompagnatrice du disque, elle a été fortement touchée par le jeu et la grande sensibilité d’Agnès Pyka et du pianiste Laurent Wagschal, et s’en est inspirée pour composer Winternacht.

Les deux musiciens nous livrent ainsi une interprétation très intéressante où ils n’hésitent pas à innover pour mettre en relief cette composition. Que ce soit dans les nuances, les phrasés ou d’autres procédés techniques, les artistes n’ont pas hésité à donner le meilleur d’eux-mêmes pour valoriser cette œuvre agréable à entendre. Le résultat n’est que meilleur pour l’auditeur.

Enfin, à travers ce disque, tous les artistes (musiciens et compositeurs) s’accordent pour dire que cette aventure a été un beau challenge musical et humain tout en rendant un grand hommage à l’un des plus respectables compositeurs romantiques allemands.


Charles-Marie Hulot


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