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Fernande Decruck - Œuvres concertantes

10 juin 2022


Claves

Fernande Decruck

Sonate en ut dièse pour saxophone et orchestre

Poème héroïque pour trompette solo, cor solo et orchestre

Concerto pour harpe et orchestre

Jackson Symphony Orchestra (dir. Matthew Aubin)

Carrie Koffman (saxophone)

Amy McCabe (trompette)

Leelanee Sterrett (cor)

Chen-Yu Huang (harpe)


Les compositions de Fernande Decruck sont étroitement liées à sa vie. Elle a en effet épousé un saxophoniste, raison pour laquelle la plupart de ses œuvres donnent une place centrale à cet instrument aux couleurs si particulières. Mais cela ne fait pas tout. Elle a aussi un immense talent musical qui mêle au saxophone et ses couleurs de jazz celles plus pastel de sa région d’origine : Toulouse et l’Occitanie. Dans sa Sonate en ut dièse pour saxophone et orchestre, on retrouve ce mélange. Le premier mouvement, « Très modéré », est magnifiquement orchestré. On y discerne un style à la fois très français et très méditerranéen, très frais et ensoleillé, tout en gardant une patte très personnelle. Le deuxième mouvement, « Noël », rappelle immanquablement la fête et ses images d’Épinal. Le saxophone pourrait y représenter la douceur et la chaleur du foyer de cheminée autour duquel se réunit la famille lors de cette célébration. Le troisième mouvement porte pour titre « Fileuse », et c’est bien le mouvement du rouet de la fileuse qui est représenté, avec ses va-et-vient. Ici, le saxophone se fait joueur et glisse sous les doigts de Carrie Koffman. Enfin, le quatrième mouvement, « Nocturne et Rondel » nous offre une nouvelle image, plus sombre et mélancolique, plus mystérieuse, que teinte joliment le son boisé et cuivré à la fois de l’instrument soliste.


Le Poème Héroïque est bien différent. Composé en 1946 en trois mouvements, « Moderato », « Andante espressivo » et « Final », il a des échos ravéliens, mais cela s’arrête là. La compositrice a son propre style, et on sent que la guerre est passée par là. L'orchestre essuie des accords ténébreux ou tristes, que la trompette et le cor solos viennent éclairer d’une lumière vive. Tantôt en réponse l’une de l’autre, tantôt en même temps, les deux instruments solistes guident l’auditeur·ice dans cette nuit orchestrale. Mais le « Final » apporte un autre regard sur ce poème post-Seconde Guerre Mondiale, un regard de paix. Decruck porte alors toute sa science et tout son art dans ce message confraternel.


Le Concerto pour harpe, bien que contemporain du Poème Héroïque, puisque composé en 1944, n’est en revanche pas affecté par les affres de la guerre. Ou plutôt est-ce la harpe qui survole les décombres. Le premier mouvement, « Modéré, sans lenteur » montre une harpe qui dialogue avec vigueur face à un orchestre parfois martial, mais qui finit par s’imposer. Le second mouvement, « Andante », est un doux rêve modal, où la harpe enchante un orchestre bien plus calme et apaisé que dans le premier mouvement, mais dont les touches sombres ne disparaissent pas totalement. Parmi les riches accords de l’orchestre, la harpe garde sa constance. Le troisième mouvement, « Très vif et léger », porte une grâce indicible, dans un style bien éloigné des langueurs méditerranéennes. Enfin, le quatrième mouvement, un « Final, Allegro molto » manque peut-être un peu de vigueur, mais n’en est pas moins très bien écrit.


Ces trois œuvres orchestrales, toutes concertantes, montrent le savoir-faire de la compositrice d’une façon brillante, que ce soit pour souligner le saxophone, la trompette, le cor ou la harpe. L’orchestre n’est pas en reste, et c’est avec une science concise de son art que Fernande Decruck écrit pour l’orchestre. Alors que l'on connaissait jusque là surtout sa musique de chambre, la compositrice se révèle toute aussi talentueuse dans ses pièces orchestrales. On doit ces premiers enregistrements mondiaux au Jackson Symphony Orchestra et au chef Matthew Aubin, dont les recherches sur la vie et l’œuvre de Fernande Decruck portent leurs fruits dans ce très beau disque.


Gabriel Navaridas


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