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Au Festival Un temps pour Elles, romantisme franco-allemand avec Marie Vermeulin

12 juin 2022


Marie Vermeulin


Pour le concert de clôture du premier week-end du Festival Un temps pour elles, c’est un public plus nombreux que lors de l’édition précédente qui a envahi la grange de l’Abbaye de Maubuisson. A la clé : deux compositrices romantiques, Virginie Morel et Clara Schumann, qui se regardent en miroir sous les doigts de la pianiste Marie Vermeulin.


Le concert s’ouvre donc avec l'œuvre d’une inconnue, Virginie Morel (1799-1869), dont on ne connaît presque rien, si ce n’est le talent pour le piano : rien d’étonnant donc à ce que ces Huit études mélodiques soient de petits bijoux de virtuosité. La première, « Introduction », est particulièrement sombre : à une entrée en matière de facture presque classique succèdent rapidement des triolets enflammés, que Marie Vermeulin veille à doter d’un certain relief - aux sommets les plus percussifs succèdent des bribes de thème plus tendres. La « disperata » (n°3) présente la même impétuosité : les grands arpèges rapides, les successions d’accords plaqués confèrent à l’étude un caractère spectaculaire. Au contraire, les deuxième, quatrième et sixième études font naître une atmosphère plus mélancolique : dans « La calma », une ligne mélodique nostalgique se détache sur un tapis ondoyant de notes rapides ; le thème de « La berceuse » est plus lancinant, à peine animé par de lents triolets ; tandis que « La Barcarolle » déroule de douces marches harmoniques qui invitent à la rêverie. Si l’écriture a un côté presque mécanique dans « L’incertezza », elle se révèle plus inventive dans la « Romanza », superbe page de délicatesse où le toucher perlé de Marie Vermeulin évoque une cascade de gouttes d’eau - même si la pianiste construit aussi habilement d’amples crescendo et ménage des changements d’atmosphère surprenants. Elle ne se ménage pas davantage dans la huitième étude, variant le toucher pour donner un caractère plus ou moins détaché à chaque section rapide, et usant abondamment du rubato, qui souligne habilement le caractère infiniment mélodique des études de Morel.


La seconde partie du programme est quant à elle consacrée à Clara Wieck / Schumann. Déjà brillamment enregistrée par Marie Vermeulin pour son disque consacré à Clara et Robert Schumann, la Romance op. 21 n’a jamais fini de livrer tous ses secrets : le toucher très doux de la pianiste et son legato subtil donnent au thème principal, porté par un véritable souffle, un naturel inimitable. La section centrale en majeur semble ici se déconstruire progressivement pour échouer sur la réexposition, ici particulièrement résignée - et d’autant plus touchante.


Quel contraste avec la Clara Wieck des Soirées musicales ! Dans ce cycle de six courtes pièces, on perçoit derrière la compositrice le brio de la pianiste. Très virtuose, la Toccatina initiale exige de l’interprète beaucoup de panache ; tout comme la Polonaise finale, dont le caractère grandiose ne verse ici jamais dans la lourdeur - il faut dire que Marie Vermeulin insiste habilement sur certains appuis pour souligner le rythme sans le rendre pesant. Mais ce sont finalement les passages plus rêveurs des mouvements centraux qui font le charme de ce cycle. Le Notturno est d’un romantisme subtil et poignant, qui semble presque incongru tant la section en ternaire ressemble, au contraire, à une mélodie populaire mystérieuse. La Mazurka en sol mineur (au contraire de celle en sol majeur, moins audacieuse) est à la fois dansante et nostalgique, presque décadente - mais elle présente aussi une section plus rêveuse, où la pianiste ose un rubato très libre et plein de charme. La Ballade présente elle aussi un double visage : d’un côté, un caractère faussement improvisé, d’une brillance juvénile à la limite de l'esbroufe, de l’autre, des guirlandes scintillantes dans les aigus du clavier, qui stimulent l’imagination du spectateur. Des contrastes qui donnent à l'œuvre de Clara Wieck / Schumann un caractère toujours surprenant, presque insondable…


Heureusement, on conclut résolument du côté de la virtuosité enthousiaste, avec un Scherzo op. 10 qui commence avec une introduction pleine de surprises harmoniques, et se conclut avec une brillance incontestable. En bis, la Polonaise op. 1 n°3, parmi les toutes premières pièces de la compositrice, est un régal d’espièglerie avec ses piqués enlevés. Le concert se finit toutefois sur la triste “Desdémone” (extrait des Femmes de légende) de Mel Bonis - comme une invitation à découvrir les concerts suivants du festival, qui feront la part belle aux compositrices du vingtième siècle !


Clara Leonardi




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