top of page
  • ComposHer

Entre fougue et spiritualité - Florilège #3

Dernière mise à jour : 19 août 2021

22 mai 2020


Dans ce disque où se côtoient cinq compositeurs et compositrices contemporain.e.s, on retrouve The Smile of the Flamboyant Wings de Dobrinka Tabakova, commande du réseau ECHO (European Concert Hall Organisation) dont le Quatuor Goldmund sont nommés Rising Stars. Le jeune quatuor défend à merveille cette pièce dans laquelle on distingue la patte maintenant reconnaissable de Tabakova : ce minimalisme poétique, ces rythmes répétés mais au tempo mouvant, et la façon subtile dont les mélodies semblent émerger de l’accompagnement dans un style quasi improvisé. Dans les passages rythmés comme dans la section centrale aux accords tragiques, plus en suspens, les quatre musiciens font preuve d’une très belle cohésion et mettent en valeur tous les timbres avec une utilisation parcimonieuse du vibrato. Les Goldmund présentent également le 3e cycle de pièces pour quatuor Commedia dell’arte de la canadienne Ana Sokolovic ; le style est plus immédiat, en effets et en contrastes. Le quatuor fait preuve d’une justesse impeccable dans la grande diversité des techniques et atmosphères dessinées par la compositrice au fil de la description des personnages. Tout aussi bon dans le répertoire historique que dans la création contemporaine, le Quatuor Goldmund est à suivre de près !


Marie Humbert

 

Pianiste virtuose, Agnes Zimmermann était aussi une brillante compositrice : cette anthologie des sonates pour violon et piano par Mathilde Milwidsky nous aura permis de ne pas l’oublier. L’impétueuse Sonate n°3 ouvre cet album en fanfare : si son sens du drame évoque Brahms, impossible de ne pas songer à Fauré lorsqu’on prête l’oreille aux mélodies délicates du piano… Le son de Milwidsky sait rendre la rage qui anime ces pages, et même s’il est un peu forcé dans les sommets expressifs, il laisse admirer la finesse des contrastes – on passe à l’improviste du romantisme le plus fougueux à la valse la plus ironique ! La Sonate n°2, plus nostalgique, fait la part belle au piano de Sam Haywood, qui insuffle de l’esprit à chacune de ses interventions, tandis que le violon donne plus franchement dans le lyrisme. L’écriture de la Sonate n°1 qui clôture ce disque est peut-être moins puissante : on se plaît toujours à découvrir des paysages sonores sans cesse renouvelés, mais ces changements brusques de climat altèrent la continuité du discours musical. L’agitation du « Finale » aiguise tout de même la curiosité : on espère découvrir bientôt – qui sait ? – d’autres œuvres de cette compositrice à la personnalité volcanique.


Clara Leonardi

 

C’est un versant méconnu du répertoire des compositrices qu’a choisi d’aborder la saxophoniste Femke Steketee : celui de ces femmes qui ont entrepris d’écrire pour son instrument. De sa lecture de la Sonate de Decruck, véritable pièce de résistance du disque, on retient avant tout la recherche de variété dans le timbre : grondant dans le grave, incisif dans l’aigu ; le saxophone se pare d’un vibrato parcimonieux pour ajouter à cette pièce quasi-impressionniste une pointe de romantisme. Le piano de Tobias Borsboom est plus quelconque : un peu trop percussif, il manque désespérément de mystère, notamment dans le très bel « Andante ». Plus à son aise dans les Secrets de l’air suspendus de la compositrice contemporaine Celia Swart, Borsboom ose prendre la parole pour soutenir les interventions d’un saxophone presque transparent. La pièce fait office de lumineux prélude aux Tableaux de Provence, ici très nostalgiques, de Paule Maurice. La lecture mélancolique de la « Cansoun per ma mio » est séduisante, le « Lou cabridan » moins convaincant : malgré l’énergie des deux musiciens, le tableau global semble un peu confus… Que cela ne dissuade pas d’écouter Decruck, Maurice et les autres, encore bien trop peu enregistrées !


Clara Leonardi

 

Marianne Piketty et Le Concert Idéal poursuivent avec cet album leur mise en regard de la musique ancienne et de la musique moderne et contemporaine. “Blue Hour” est un disque mystique, réunissant des compositeurs et compositrice visionnaires : Hildegard von Bingen est le fil rouge de ce programme, à travers trois de ses pièces “projetées” pour ensemble à cordes par Olivier Fourès - car ses pièces sont à l’origine monophoniques. Mais il ne faut pas le vivre comme une dénaturation de l’œuvre : la compositrice, par son exploration des grands intervalles et par sa place dans l’histoire à l’orée de la polyphonie, suggère l’harmonie. Le Concert Idéal la réalise, avec ces bourdons caractéristiques de la musique médiévale et le violon très pur de Marianne Piketty assumant le chant. Avec Une vision d’Hildegarde, Philippe Hersant expose des harmonies et de techniques plus modernes au sein de cette atmosphère spirituelle qu’il poursuit, nous maintenant en transe. L’Octuor de Shostakovitch et surtout le poignant Concerto Funèbre de Karl Hartmann, à l’émotion plus directe, complètent à merveille un disque riche et inspiré, qui invite à regarder au plus profond de soi-même.


Marie Humbert

 

Si depuis Chopin, les noms de compositeurs polonais sont peu connus du public mélomane, hormis peut-être Szymanowski et Lutoslawski, cet album met à l’honneur deux musiciens injustement oubliés et trop peu joués. Grazyna Bacewicz fut de son temps connue comme compositrice mais également comme violoniste virtuose et pédagogue. Se consacrant exclusivement à la composition en 1954, elle est considérée par Lutoslawski comme « l’une des plus grandes femmes compositeurs de tous les temps ». Son Concerto pour piano présenté ici, composé pour le centenaire de la mort de Chopin, est une œuvre contrastée et espiègle. Un langage musical étonnant ici servi avec sérieux par la polonaise Julia Kociuban et l’orchestre philharmonique Arthur Rubinstein. Ce célèbre pianiste était originaire de la ville de Lodz, tout comme Bacewicz et Alexandre Tansman, dont le Concerto pour piano no. 1 ouvre l’album. Dans un style néo-classique, il s’agit d’un subtil mélange de références à Ravel, Poulenc, Satie, écrit par un compositeur ayant passé une grande partie de sa vie en France. Tansman et Bacewicz, deux grandes personnalités polonaises musicales, ayant chacune à son actif plusieurs centaines d’opus, sont à découvrir ou à redécouvrir grâce à cet album, qui espérons-le poussera à les programmer en dehors de leur pays.

Amaury Quéreillahc


bottom of page