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Musique et solitude : chœur, guitares et alto - Florilège

Dernière mise à jour : 19 août 2021

10 avril 2021

Émergeant du silence imposé par la pandémie, les voix des Chœurs de l’Eglise St. Andrews et St. Paul s’élèvent pour explorer les différentes facettes de la distance, une notion malgré nous devenue centrale dans notre quotidien. Bien que séparées par leur époque ou leur culture, les pièces choisies pour ce disque sont reliées par la douceur et la sérénité qu’elles expriment. When the violin, composée par Reena Esmail et présentée ici dans sa version pour chœur et violoncelle, est un joyau jouant avec le clair-obscur du raga indien sur lequel il est construit. Les harmonies sont sombres, le violoncelle chante mystérieusement dans sa solitude. La lumière prend finalement le dessus dans la pièce suivante, O crux splendidior de Sulpitia Cesis, qui exhale une solennité religieuse et une contemplation joyeuse. Le calme profond et réparateur vient toutefois à l’écoute de And the swallow de Caroline Shaw, dans lequel les fragments mélodiques chantés bouches fermées sont semblables à ceux d’une berceuse. Les graves résonnent amplement tandis que les moments de suspension dans les aigus procurent une sensation de légèreté qui renvoie à l’envol de l’hirondelle évoqué dans le texte. Conçu pour établir un lien avec le public, l’ensemble de ce disque est présenté comme une réponse et un remède à la douleur de l’éloignement, nous rappelant avec subtilité que la distance est capable de nous rassembler et de nous unifier.


Aurianne Bec

 

La redécouverte de l'œuvre d’Imogen Holst ne fait que commencer, et chaque nouvelle pièce entendue fait regretter que la compositrice ne soit pas plus enregistrée. Dans son nouvel album “Mirror images” entièrement consacré à des œuvres pour alto seul, Violeta Vicci tisse des liens entre Bach, Ysaÿe et Holst grâce aux improvisations qui rythment le programme. Des improvisations mélancoliques et contemplatives, où l’artiste s’enregistre parfois plusieurs fois pour superposer sa voix - elle est aussi chanteuse - et différentes voix d’altos. Un bourdon, des rythmes fluides, et nous voilà dans la musique populaire qui imprègne aussi la Suite pour alto d’Imogen Holst. Le “Prélude” en est particulièrement inquiétant, le premier accord dissonant donnant le ton de cette œuvre moderne composée en 1930. On danse dans le deuxième mouvement, à cinq temps, qui entre ses accords, ses pizzicati de main gauche et ses aigus piano, laisse peu de répit à l’interprète. La “Sarabande” qui suit est particulièrement poétique et torturée. Enfin, la “Gigue”, cloturée par une harmonique lumineuse, conclut avec fougue une œuvre où se côtoient musique populaire et virtuosité, rythmes vifs et mélodies lancinantes.


Marie Humbert

 

La distance n’est a priori pas si grande entre la harpe et la guitare. C’est pourtant un nouvel univers sonore, une couleur nouvelle, qui s’ouvrent à l’écoute de la Sonate pour harpe de Germaine Tailleferre arrangée pour deux guitares. Les deux guitaristes Adam Cicchillitti et Steve Cowan profitent judicieusement de leurs deux instruments pour bien mettre en regard les éléments mélodiques et les accompagnements. Des dialogues, présents dans la musique mais confinés à un seul instrument dans la version originale de l'œuvre, prennent un sens différent dans cet arrangement à 2 instruments. En trois mouvements qui présentent une grande unité stylistique, Tailleferre explore ici la légèreté, là la tension, parfois la tendresse ou la mélancolie, que peuvent exprimer ces instruments à cordes pincées. Le premier mouvement est fluide et plutôt joyeux, tandis que le deuxième mouvement présente un thème entre tristesse et poésie où le jeu des harmoniques permet de trouver de nouvelles émotions. Le troisième mouvement prend lui-aussi une dimension supplémentaire, notamment grâce au contraste entre les passages arrangés entre les instruments dans une logique de mélodie et d’accompagnement, et ceux où les deux guitares se réunissent en homorythmie pour donner toute leur ampleur aux accords.


Marie Humbert

 

Pour l’altiste Hiyoli Togawa, jouer Bach est devenu une routine quotidienne pendant ces mois sans concerts. Rester créative lui est aussi apparu comme une nécessité : elle commande alors des pièces à 11 compositeurs et compositrices, et l’album “Songs of Solitude” qui mêle ces créations aux six suites pour violoncelle de Bach prend forme. Johanna Doderer compose Shadows, une pièce en effet sombre où la compositrice explore tant les graves que les aigus de l’instrument, mais aussi les différentes sonorités du jeu sur la touche ou sur le chevalet. Un bref motif mélodique est sans cesse interrompu, et la dernière minute marque l’auditeur.rice grâce à ce riff où transparaissent tout à la fois tristesse, perte et rage. La voix de Michiru Oshima, dans Silence, est comme un appel à le rompre enfin : la pièce alterne moments virtuoses, harmonies lumineuses et mélodies lyriques. Plus simple mais pas moins touchante, la pièce quasi minimaliste Keep moving de Cristina Spinei repose sur des pédales de notes et de grands intervalles expressifs. Enfin, le Salve nos de Rhian Samuel cristallise toutes ces idées à travers un style quasi improvisé, presque populaire parfois, mais qui exige de Togawa de grands contrastes et une grande maîtrise de son phrasé, de son vibrato, du timbre de son instrument. Cet album est une réussite, et on ne peut qu’espérer que malgré les circonstances de leur création, ces pièces resteront au répertoire.


Marie Humbert



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