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Daniel Harding à la baguette pour le centenaire de la mort de Lili Boulanger

Dernière mise à jour : 19 août 2021

12 septembre 2018 - Philharmonie de Paris

Concert d'ouverture de l'Orchestre de Paris, dir. Daniel Harding


Le programme proposé par la Philharmonie en aura décontenancé plus d’un : Josquin des Prés, Lili Boulanger et Anton Bruckner – dans cet ordre. Mais peut-être ne fallait-il pas moins que la pureté d’un motet du grand maître de l’école flamande et une symphonie impressionnante de richesse harmonique et orchestrale pour encadrer ce Psaume 129 de Madame Boulanger.

1913, peu après que Schönberg a entamé sa remise en question du langage tonal dans le Pierrot Lunaire, Stravinsky crée son Sacre du Printemps tandis que Debussy pousse à son paroxysme les principes de la construction par son ballet Jeux : la musique savante est à un point de rupture. Quelques mois plus tard, une jeune compositrice de 20 ans, fraîchement auréolée du Prix de Rome, commence une mise en musique de deux psaumes, dont le psaume 129. Sans atteindre le point de non-retour de ses congénères, elle déploie cependant dans sa partition un langage harmonique audacieux (la pièce s’ouvre sur des accords de neuvième) et une vraie science du rythme (qu’il s’agisse de la prosodie pour le chœur, ou de l’affranchissement de la mesure pour l’orchestre). En 1916, l’orchestration est achevée ; par-dessus des instruments tourmentés, la mélodie hiératique d’un chœur d’hommes à l’unisson déclame « Ils m’ont assez opprimé dès ma jeunesse ». Si l’œuvre est assez évidente dans son sens et son caractère, l’interprétation n’en est pas moins délicate (par exemple, comment rendre cette indication de l’auteure : « Contenu, mais agité intérieurement » ?). Daniel Harding opte pour un tempo assez vif, un orchestre tout en gravité (presque wagnérien) et en contrastes et, afin de renforcer l’élévation progressive de cette plainte en prière de bénédiction, recourt à un chœur de femmes fondu dans la masse sonore de l’orchestre pour les dernières mesures (comme le suggère la compositrice) ; quant aux barytons du Chœur de l’Orchestre de Paris, leur diction nette et puissante permet aux mots bouleversants du psaume de se détacher sans difficulté. Dans la salle, le public est comme hypnotisé, à la fois tiraillé par le grondement des instruments et suspendu à ces lèvres qui scandent leur supplication envers Dieu ; pour ma part, j’ai beau connaître cette œuvre par cœur et avoir la partition sous les yeux, je suis comme un gamin découvrant le Massacre des Innocents de Rubens. On ressort de la Philharmonie tout aussi abasourdi qu’à la découverte du programme… Nul doute que, pour son entrée au répertoire de l’Orchestre de Paris, Lili Boulanger aura fait forte impression.

Pierre Videment


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