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Anna Clyne - Mythologies

Dernière mise à jour : 19 août 2021

October 2020

Anna Clyne (1980-)

Mascarade

This Midnight Hour

The Seamstress

Night Ferry

<<rewind<<

BBC Symphony Orchestra

direction Marin Alsop, Sakari Oramo, Andrew Litton, André de Ridder

Violon Jennifer Koh

Récitante Irene Buckley


Si le New York Times parle d’Anna Clyne comme d’une « compositrice aux dons inhabituels et aux méthodes non conventionnelles » (« A composer of uncommon gifts and unusual methods »), il faudrait préciser que c’est aussi une créatrice de mythologies. Car il n’y en a pas qu’une, chaque pièce de cette compositrice de talent raconte sa propre histoire. Cinq fables forment cet album : Mascarade (2013), This Midnight Hour (2015), The Seamstress (2014), Night Ferry (2012) et <<rewind<< (2005). Chacune de ces œuvres apporte son propre univers dans lequel plonge l’auditeur. Ce sont ces univers, ces mythologies qui nous sont contées petit à petit par l’Orchestre symphonique de la BBC, sous la baguette de quatre chefs différents.


Mascarade fait appel à tout un univers de couleurs et de formes. Que ce soit de la mascarade du bal vénitien à l’œuvre éponyme de Katchaturian, c’est un panel de coloris et de sons que nous offre Anna Clyne, fascinée par ces fêtes grandioses. De l’éclat initial, on s’envole rapidement dans une danse tournoyante, où les cordes, puis les cuivres et les percussions viennent parer de remous somptueux une mélodie aux accents fantastiques voire féériques. Cette mélodie ne s’essoufflera pas un seul instant, mais ménageant des moments de pause, elle permet cependant d’observer comme le panorama d’une incroyable fête. Les percussions prennent une place très importante dans cette pièce, ponctuant l’écoute de leurs pulsions dynamiques. Les quelques moments contemplatifs permettent de survoler des épisodes dignes de films hollywoodiens, avant de revenir à cette inlassable mélopée dont on ne saurait vraiment trouver l’origine. S’il est une œuvre que l’on pourrait considérer comme arlequine, c’est bien cette mascarade, succession de tableaux plus grandioses les uns que les autres. L’œuvre est courte, tout juste cinq minutes, mais elle fait résonner en nous des souvenirs cinématographiques, et le feu d’artifice final, sous la baguette de Marin Alsop est un bouquet grandiose et rutilant où tous les instruments, jusqu’au gong, ont leur place dans l’écrin fourni par Clyne pour cette première mondiale.


C’est un ensemble de deux poèmes, l’un de Juan Ramón Jiménez, l’autre de Charles Baudelaire, qui a donné naissance à This Midnight Hour, la plus récentes des œuvres de Clyne. C’est une œuvre qui, dans la continuité de la Mascarade, est aussi emportée. En revanche, elle est bien plus sombre, plus obscure, plus angoissante aussi. La flûte est coupante, les cordes sont tour à tour grinçantes et rampantes, les bois sont dissonants et les cuivres graves et de mauvais présages. Le tout donne un tableau où Minuit est à la fois plein de promesses séduisantes et de trahisons en préparations qui n’est parfois pas sans rappeler les grands moments du romantisme. Aux allures de folle poursuite, que l’on pourrait imaginer se passer dans les ruelles des bas-fond d’une ville industrielle, la pièce se transforme peu après en une valse fantomatique sortie d’un tableau gothique. Mais même le plus sombre cauchemar a une fin, et la clarinette et le hautbois, soutenus par l’orchestre, nous éveillent alors dans une clarté diaphane qui illumine la fin de la pièce. Orchestralement, cette œuvre est d’une richesse incroyable, et fait usage de tous les timbres possibles, rendus de façon magistrale par Sakari Oramo.


C’est à nouveau un poème qui donne naissance à l’œuvre suivante, The Seamstress, composée en 2014. Cette fois, c’est l’auteur William Butler Yeats dont le poème est murmuré par Irene Buckley. Pleine de tendresse et de mélancolie, cette pièce orchestrale mêle les timbres instrumentaux dans de longues plages harmoniques sur lesquelles vient s’étendre le violon soliste, tenu ici par Jennifer Koh. La voix, dans des soupirs expirés ou aspirés joue sur les différentes textures que peuvent apporter les voyelles et les consonnes, le tout mêlé à un orchestre dont les crescendo puissants sont l’écrin de la parure vocale. La voix et le violon se mêlent alors pour guider la pièce.


The Night Ferry est une immense fresque musicale dont les tourbillons rappellent autant ceux de la Mascarade que ceux de The Midnight Hour. Et pour cause, c’est un tableau de tempête qui nous est donné à voir, bien que certains côtés puissent rappeler, notamment à la flûte, L’Oiseau de feu de Stravinsky. C’est une tempête d’une vingtaine de minutes qui ne ménage pas l’auditeur et nous laisse peu de pauses. Il est à noter cependant que Clyne appréciait déjà les mouvements circulaires aux cordes et les grands accords avec percussions pour ponctuer ses œuvres. C’est un tableau qui naît grandiosement sous la baguette d’Andrew Litton.


La dernière pièce possède un titre bien étrange : il s’agit de << rewind << dont l’idée s’inspire de la vitesse de rembobinage d’une vidéo visionnée à l’envers. L’œuvre est la plus ancienne de cet album, composée en 2005. Sous la baguette d’André de Ridder, on trouve ici une œuvre inspirée, rappelant parfois certaines œuvres de Steve Reich, dans son côté répétitif, mais sans être une épigone. Clyne nous donne à entendre un moment particulier où l’action se déroule dans le sens contraire à ce que l’on attendrait. La vitesse ici est primordiale, et c’est une pièce de virtuosité orchestrale, dont les accents, tantôt bruts et tantôt charmeurs, nous guident du début à la fin... De la fin au début.


Gabriel Navaridas



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