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Maria Teresa Agnesi: Arie Con Istromenti

Dernière mise à jour : 19 août 2021

Janvier 2020

Maria Teresa Agnesi : Arie pour soprano, cordes et continuo

Elena De Simone (mezzo), Ensemble Il Mosaico


En cette année 2020, Maria Teresa Agnesi Pinottini fête ses 300 ans : le bel âge. Et si les célébrations beethovéniennes battent leur plein – du moins lorsque le confinement ne bat pas lui-même son plein – le tricentenaire de la compositrice milanaise passe presque inaperçu. On ne peut alors que saluer ce disque que Tactus lui consacre, avec l'ensemble italien Il Mosaico et la mezzo-soprano Elena De Simone, qui a par ailleurs fait un travail considérable de retranscription.


Maria Teresa Agnesi est née en 1720 à Milan, dans une famille éclairée de la petite bourgeoisie. Elle et sa sœur Maria Gaetana bénéficient alors d'une éducation approfondie, et s'illustrent toutes deux comme enfants prodiges. Maria Gaetana devient une grande mathématicienne, première femme nommée professeur de mathématiques dans l'Italie du XVIIIe, et Maria Teresa se fait connaître comme claveciniste, chanteuse, puis compositrice. Si l'on ne sait que peu de choses sur sa vie, sa présence est attestée comme invitée d'un concert privé où se produisait un Mozart de 14 ans, et les nombreux écrits élogieux de ses contemporains à son égard témoignent de sa réputation auprès de ses pairs.


C'est à cette femme des Lumières et immense compositrice qu'Elena De Simone et Il Mosaico ont voulu rendre hommage, dans un beau disque comprenant neuf des douze arias pour soprano, cordes et continuo – dont les textes sont de Metastasio (grand librettiste du XVIIIe) et de Maria Teresa Agnesi elle-même. À la charnière entre l'écriture baroque et classique, ces airs témoignent d'un très beau sens de la mélodie et d'un vrai goût du théâtre – peu surprenant, en ce que la compositrice compte sept opéras à son actif. Agnesi écrit les affetti, les déploie aussi bien dans la voix que dans l'orchestre de chambre, et développe nombre stratégies expressives : marches harmoniques, dissonances, vocalises, coups de théâtre, silences et variations sinueuses. Des ressorts assez classiques, en somme, pourtant si bien maîtrisés qu'ils sonnent neufs, sans doute grâce à l'enchevêtrement des écritures instrumentales et vocales. On est à l'opéra en musique de chambre : les lignes des deux violons se croisent, se répondent ; et la voix, dont tous les registres sont explorés, tantôt se noie dans le continuo, tantôt le surplombe. Ces airs, ancrés dans la tradition italienne, sont de forme aria da capo, et par là assez longs ; les retours et variations sont fins, virtuoses, mais on pourrait souhaiter sur certaines pistes davantage d'allant dans les tempi.


Le disque, en tout cas, s'écoute avec plaisir, de « Son confusa pastorella » qui lève le rideau avec beaucoup de douceur à « Alla prigione antica », qui le referme en soignant de petites surprises harmoniques bienvenues ; deux arias comme deux échos du génie mélodique de la compositrice – il est bien ardu d'en exprimer la singularité, d'une joie teintée de mélancolie. La richesse de l'écriture instrumentale est elle très bien exprimée par Il Mosaico dans « Ah, non so io che parlo » : de belles dissonances, un dialogue constant de l'orchestre avec la voix, quelques douloureuses vocalises. Même constat dans l'enchevêtrement contrapuntique de « Non piangete amati rai », plus sombre, dans l'infinie tristesse de sa mélodie et la force de son ostinato rythmique, inexorable. Chaque air, à vrai dire, se singularise par sa ligne dramaturgique – et la partition ne peut que s'enrichir de la lecture des textes qui offrira davantage de subtilité à l'écoute. Quant à la voix de mezzo, elle manque parfois de précision, peut-être est-ce dû à une écriture vocale trop acrobatique ; mais on le lui pardonne tant elle exprime la diversité des affetti avec justesse. Un disque à écouter attentivement, en somme, en plusieurs fois peut-être, pour en comprendre la richesse : il constituera en tout cas et pour chacun une très belle entrée dans l’œuvre d'Agnesi.


Salomé Coq



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