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Emilie Mayer - Quatuors avec piano par le Mariani Klavierquartett

Dernière mise à jour : 19 août 2021

Janvier 2021

Emilie Mayer - Quatuors avec piano


Mariani Klavierquartett




Après avoir diffusé les trios avec piano d’Emilie Mayer, le label allemand CPO se lance dans l’enregistrement des deux quatuors avec piano de la compositrice, dont l’interprétation est confiée à la formation Mariani pour son troisième album. Ces deux œuvres ont attisé la curiosité des musiciens, qui n’hésitent pas à s’aventurer à la découverte de pépites encore inexplorées. En effet, peu reconnus et entendus en concerts, les quatuors avec piano d’Emilie Mayer font pourtant entendre la brillance de son écriture, tout comme son habileté dans l’utilisation des contrastes et des couleurs harmoniques. Davantage marquée par le langage mozartien au cours des années 1840, comme le montrait sa production symphonique commencée à cette époque, la compositrice dévoile ici son expérience plus approfondie de la musique de chambre, à travers laquelle elle a formé puis affirmé son identité musicale. Composés à la fin des années 1850, ses deux quatuors avec piano témoignent de l’évolution et de la maturation de son style, où transparaît l’influence de l’esthétique romantique de Franz Schubert et de Robert Schumann.


Tout comme Schumann reprenait la structure classique en quatre mouvements pour son Quatuor avec piano op. 47, Emilie Mayer s’en empare pour ses deux quatuors, le premier composé en mi bémol majeur, le deuxième en sol majeur. Dans l’ensemble, ces œuvres présentent de nombreuses similitudes, aussi bien au niveau de l’écriture qu’au sein des atmosphères sonores créées au fil des mouvements. Elles forment donc un ensemble cohérent et se placent dans la continuité l’une de l’autre sans rupture de style. Chacun des premiers mouvements fait alterner l’espièglerie du piano avec la gravité des cordes. L’auditeur chemine ainsi entre la langueur contenue dans les courbes mélodiques et la répétition de courtes cellules malicieuses, qui servent ensuite de matériau à un développement condensé. Ce procédé est également utilisé dans chacun des scherzos. Le fragment mélodique principal, qui se caractérise dans le premier quatuor par son rythme en anapeste (deux notes brèves, une note longue) et dans le deuxième par un fragment de gamme ascendante, est d’abord énoncé au piano pour être repris en écho par les cordes. Il se trouve ensuite enrichi au sein d’un jeu de dialogue sautillant et farceur qui se transforme par endroits en une poursuite entre le piano et le violon, le violoncelle et l’alto s’effaçant pour les accompagner discrètement. Ce jeu d’écriture, régulièrement reconduit par la compositrice dans chaque mouvement, crée une sensation de déjà-vu, mais apporte une homogénéité et une unité aux deux œuvres.


L’interprétation de l’ensemble Mariani est remarquable dans la chaleur et la profondeur de sa sonorité d’ensemble. Les moments forte apportent un élargissement du son qui les rend lumineux et donnent aux œuvres leur couleur scintillante, comme dans le mouvement "Un poco adagio" du premier quatuor avec piano. La force tranquille qui s’en dégage contraste ainsi avec les sections douces et piano, auxquelles une présence sonore plus appuyée de la part des interprètes aurait pu conférer davantage d’intensité. La musicalité des ces derniers se singularise cependant par une richesse et une finesse qui se manifestent au gré des mouvements. Dans l’"Adagio" et l’"Allegro" final du deuxième quatuor avec piano, le violoncelle se voit confier des mélodies expressives, que le vibrato ample et chaleureux de Peter-Philipp Staemmler fait gracieusement chanter en faisant poindre un soupçon de mélancolie. Les deux œuvres sont également marquées par l’expression discrète du tourment intérieur propre au romantisme allemand, qui transparaît, par exemple, à travers l’emploi d’accords de septièmes diminuées. Ils créent une tension palpable que les musiciens mettent en valeur avec passion, sans toutefois céder à des emportements excessifs. En effet, bien que cette couleur harmonique ponctue le discours de manière significative et y introduit des contrastes, le caractère général des mouvements demeure imprégné de la légèreté et de la transparence du classicisme. Tout en aisance, l’ensemble Mariani parvient donc à faire preuve d’équilibre et de justesse d’interprétation, naviguant entre les remous et les accalmies qui jalonnent les deux quatuors avec piano d’Emilie Mayer et leur confèrent leur subtile beauté.



Aurianne Bec



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