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Salle Favart, la Dame blanche un peu trop classique de Pauline Bureau

Dernière mise à jour : 19 août 2021


20 février - 1er mars 2020 - Opéra Comique

Pauline Bureau (mise en scène)

Orchestre National d'Île de France, dir. Julien Leroy Elsa Benoit, Philippe Talbot, Jérôme Boutillier


L’Opéra comique propose du 20 février au 1er mars La Dame blanche, opéra de François-Adrien Boieldieu, célébrissime à la suite de sa création en 1825 et depuis tombé quelque peu en désuétude. Un opéra inspiré de romans de Walter Scott et à mi-chemin entre le vaudeville et la légende fantastique gothique : donner La Dame blanche en 2020, c’est courir le risque le risque de tomber dans la facilité du kitsch et du folklore et c’est à ce défi que s’attelle Pauline Bureau à la mise en scène, accompagnée de Julien Leroy qui dirige l’Orchestre National d'Île de France.


Issue du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris, Pauline Bureau est reconnue pour ses créations au théâtre, notamment son Dormir Cent Ans, présenté en 2015 au Théâtre Dijon-Bourgogne. La Dame Blanche signe son deuxième passage Salle Favart après Bohème, notre jeunesse d'après Giacomo Puccini en 2018. Le lever de rideau dévoile un avant scène composé d’un mur de pierres qui se prolonge vers le haut par un fond vidéo montrant la lande écossaise. Le ton est donné : la mise en scène sera classique, voire pittoresque. Ce sentiment sera vite confirmé par les costumes des interprètes, qui, quoique de bonne facture, sont très folkloriques (kilts pour presque tout le chœur), tout comme le décor des actes 2 et 3, se déroulant intégralement dans un château à l’abandon, qui semble tout droit sorti de La Belle et la Bête. En effet, malgré de bonnes idées, Pauline Bureau, durant les 2 heures 30 que dure le spectacle, ne se permet pas assez de fantaisies ou de folies, semblant parfois se cacher derrière une mise en scène littérale, relevée par quelques artifices d’illusionniste - une lettre s’évanouissant en fumée par exemple - pour évoquer la magie de la lande écossaise. Ainsi la mise en scène ne sort réellement de sa torpeur que par moments, comme par exemple lors de la scène de la vente aux enchères du château dans le dernier acte, qui dynamite cet opéra parfois ronronnant. A cette occasion, le plateau entier s’anime et la metteuse en scène parvient à créer une véritable atmosphère de tension entre le chœur des villageois (Les Éléments, très bons du début à la fin), les héros du livret et le cruel Gaveston (Jérôme Boutillier, parfois trop doux pour son rôle de grand méchant). Des effets de lumière et une mise en scène plus audacieuse que dans les premiers actes apportent un second souffle à cette histoire à dormir debout. Si l’on peut donc regretter une mise en scène parfois très premier degré, Pauline Bureau signe une prestation intéressante notamment car elle affirme malgré tout une posture somme toute inédite : aborder cet opéra sous l’angle des femmes qui en sont les protagonistes. Cette clé de lecture est la véritable force de sa mise en scène. Ainsi dès l’ouverture, la dame blanche éponyme (Elsa Benoit, pétillante) apparaît dans la lande, mais loin des clichés mortifères du genre : cheveux rouges écarlates et bottes de motarde. Elle mime alors les gestes du chef d’orchestre, signifiant s’il en était besoin que c’est bien elle qui mènera toute l’œuvre à la baguette. Ce parti pris est maintenu tout au long des trois actes, où la double figure de la dame blanche/Anna est présentée comme à la fois en prise à des passions certes très humaines mais aussi (et surtout) détentrice de toutes les clés de l’intrigue, reléguant ses partenaires masculins au second plan. Les autres personnages féminins comme la paysanne Jenny (lorsque celle-ci déplore la couardise de son mari Dickson par exemple) ou la vieille Marguerite sont aussi avantageusement présentés. Cette attention à présenter ces femmes comme des figures modernes fonctionne très bien et permet de sortir la mise en scène de sa gangue assez convenue. Malheureusement, ce parti pris est mal servi par une direction d’acteurs trop légère - surtout lors des parties parlées, qui virent parfois à la pantomime. On pourra en particulier regretter un surjeu permanent du rôle principal masculin (Philippe Talbot). Au sortir de cette soirée à l’Opéra comique, on retiendra donc davantage la très belle performance de l’Orchestre National d'Île de France et de Julien Leroy, qui portent une partition aux nuances travaillées. Si la mise en scène de Pauline Bureau ne serait pas désavouée par Walter Scott, il manque ce supplément d’âme pour saisir les enjeux de l’opéra à bras le corps et faire pleinement entrer cette Dame blanche dans notre siècle, en dépassant les évidentes hésitations entre féminisme et tradition, entre kitsch et émancipation.

Loreleï Pellerin


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