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Récital – Compositrices et mélodies françaises

Concerts de l’Académie de l’Opéra de Paris – 16 février 2023

Opéra Bastille – Auditorium Olivier Messiaen


16 février 2023


© Studio J’adore ce que vous faites / OnP


C’est devant une salle comble que chantent les pensionnaires de l’Académie de l’Opéra de Paris ce jeudi soir, pour un programme entièrement dédié aux compositrices françaises. Un changement de distribution de dernière minute nous privera d’entendre la mezzo-soprano Marine Chagnon, souffrante. La distribution se réduit donc autour de la soprano russe Margarita Polonskaya, du ténor anglais Laurence Kilsby, et du basse Adrien Mathonat, tous trois membres de l’Académie depuis septembre 2022. Un léger changement de programme s’ensuit, deux duos de Pauline Viardot et des mélodies de Cécile Chaminade étant remplacées par trois mélodies de Lili Boulanger.

Dès l’introduction, le ton est donné : la soirée est dédiée à des œuvres « si peu jouées, si peu chantées ». Derrière cette volonté de mettre les compositrices à l’honneur, le programme est d’une grande cohérence. Six compositrices françaises de la seconde moitié du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle se succèdent. Cette homogénéité historique n’est pas synonyme de monotonie, et le programme présente admirablement la variété de la création de cette période de la musique française. La gravité de Rita Strohl (1865 – 1941), le romantisme de Pauline Viardot (1821 – 1910), l’espièglerie de Cécile Chaminade (1857 – 1944), l’héroïsme guerrier d’Augusta Holmès et les énigmes des sœurs Boulanger forment autant de tableaux qui tiennent en haleine.

Les mélodies de Rita Strohl chantées par Laurence Kilsby ouvrent la soirée. La grande délicatesse du chanteur, sa diction exemplaire, ses aigus doux et ses graves soyeux servent à merveille une partition minimaliste et exigeante. L’amphithéâtre se révèle un écrin parfait pour le chanteur qui n’a pas besoin de forcer pour émouvoir. La mort des pauvres, dernier des trois chants, est particulièrement prenant, avec une écriture pianistique enrichie et une prise de risque vocale réussie pour Laurence Kilsby.

Les mélodies russes de Pauline Viardot, elle-même chanteuse et professeure de chant, servent parfaitement Margarita Polonskaya. La soprano, dans sa langue natale, est à l’aise et enchante le public. Son timbre chaud se déploie avec aisance dans l’Evocation emportée et romantique, pour laquelle elle est particulièrement applaudie. Elle est suivie de la délicate Les deux roses et du très beau Le prisonnier. Ces mélodies intenses, virtuoses et opératiques constituent l’un des points forts de la soirée.

C’est ensuite le piano qui est mis à l’honneur dans un quatre mains de Cécile Chaminade plein d’esprit et d’humour. Guillem Aubry et Carlos Sanchis Aguirre semblent beaucoup s’amuser et livrent une interprétation convaincante de ces trois mélodies espiègles et dansantes.

Trois mélodies de Nadia Boulanger sont ensuite chantées par Laurence Kilsby. Il livre une fois encore une interprétation d’une grande sensibilité, nécessaire à ces partitions exigeantes. Au voyage intérieur de Versailles succède une Élégie où alternent les phases contemplatives, l’emportement, et des temps d’arrêt suspendus. Le Cantique est particulièrement réussi. Nadia Boulanger fournit la preuve s’il en fallait une que peu de notes peuvent produire une grande émotion. La grande maîtrise technique du ténor sert parfaitement ce chant simple et beau, qui, logiquement, enthousiasme la salle.

Quatre courtes pièces de Lili Boulanger, ajouts de dernière minute au programme, y apportent une dose de mystère bienvenue. Parmi elles, Deux Ancholies est une belle découverte, Laurence Kilsby naviguant avec prestance entre l’angoisse, la précipitation et l’apaisement de la partition.

Particulièrement bien choisi, le second temps pianistique de la soirée est une Berceuse arabe de Cécile Chaminade. Le jeu doux et subtil de Guillem Aubry semble fait pour cette pièce surprenante et réjouissante qui, derrière l’apparente simplicité de sa mélodie, gagne progressivement en profondeur.

Le dernier temps de la soirée est le moins convaincant. Adrien Mathonat est engagé dans ces trois extraits des Sept ivresses d’Augusta Holmès. Mais son interprétation théâtrale pèche par une diction moyenne et un timbre trop large. L’amphithéâtre semble ici trop étroit pour sa jeune voix opératique de basse. Les pièces d’Augusta Holmès ne manquent pas de brio et sont évocatrices, mais peut-être un peu trop monotones.

Ce concert réussi, tant par son programme d’une grande cohérence que grâce au talent de ses jeunes interprètes, est une mise en lumière bienvenue et intelligente du travail des compositrices françaises du 19e et 20e siècle. On ne peut que souhaiter que l’Opéra de Paris nous propose d’autres soirées semblables !


Marguerite Clanché

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