top of page
  • ComposHer

Du saxophone d'Olivia Kieffer à l'orchestre de Marilyn Bliss - Florilège

08 janvier 2022

Place au saxophone et à la saxophoniste Nicki Roman, qui dévoile dans cet album à la fois son talent et les immenses possibilités de l’instrument. Entre les rythmes de Bernstein et le lyrisme de Grieg, on retrouve Olivia Kieffer : dans Floating Bones, la compositrice contemporaine trouve son inspiration dans les os “flottants”, ces os qui ne sont connectés à aucun autre. L’être humain en possède un : l’os hyoïde, situé au-dessus du larynx, qui joue un rôle crucial dans l’articulation mais également le jeu des instruments à vent. En trois mouvements très libres pour saxophone solo, l'œuvre explore les registres de l’instrument, sans se perdre en virtuosité excessive. Très poétique, le deuxième mouvement juxtapose la voix de l’interprète et des bribes de mélodies du saxophone. Les rythmes syncopés du troisième mouvement se laissent interrompre par une mélopée plus mélancolique, qui évolue en arpèges quasi minimalistes et achève ainsi de nous emporter dans l’univers de la compositrice. On entend ensuite Cadenza, pièce écrite en 1974 par la compositrice française Lucie Robert (1936-2019). Pour saxophone et piano, la pièce s’affranchit de barres de mesure et multiplie les atmosphères, d’entêtante à inquiétante, et avant tout mystérieuse. Les deux instruments y jouent un véritable duo, que les interprètes (Casey Dierlam Tse au piano) mènent de manière fluide et contrastée.


Marie Humbert

 

Si le nom de la compositrice états-unienne Marilyn Bliss n’a pas encore passé nos frontières, c’est bien dommage, car son œuvre mérite d’être découverte. C’est le cas de Veils, composée d’après un ensemble de tableaux de Morris Louis, commande du Haydn-Mozart Chamber Orchestra. Les Voiles, peintes par l’artiste américain, ont ainsi inspiré la compositrice à tisser ses propres voiles, musicaux cette fois. L’œuvre, interprétée ici par le Janacek Philharmonic Orchestra, datant de 1986, nous fait entendre un paysage musical à la fois clément et tourmenté. Marilyn Bliss, maîtrisant l’art de l’orchestration, nous propose des nappes sonores, aux cordes, sur lesquelles viennent se reposer les bois, dans de longues phrases mélodiques, des arabesques couvrant toute l’étendue de leur tessiture. Ce tableau musical est à l’image du tableau pictural, grand, impressionnant même, parfois oppressant, mais toujours tissé avec finesse.

Gabriel Navaridas

 

C’est un album poétique et pastoral, assez typiquement anglais, que nous offrent la violoniste Sophie Rosa et le pianiste Ian Buckle. La Rêverie d’Angela Morley, plus connue pour ses musiques de film (elle est d’ailleurs la première femme transgenre nommée aux Oscars), est un petit bijou de lyrisme et de romantisme hollywoodien. Délicate, émouvante, c’est une pièce de caractère, quasiment cinématographique, qu’on ne se lasse pas d’écouter. Plus tôt dans le disque, on aura pu entendre Rebecca Clarke et son Midsummer moon (1924). Ses couleurs harmoniques et mélodiques sont plus modernes, et l’écriture passe avec fluidité d’une simple ligne au piano à des envolées de trilles au violon. Tout ceci participe à une atmosphère caractéristique de la musique de chambre de la compositrice anglaise : fascinante, contemplative, un brin exaltée. Le jeu de Sophie Rosa se prête à merveille à cette atmosphère, bien qu’on aimerait parfois entendre son violon sonner plus largement dans les sommets expressifs. Le piano d’Ian Buckle accompagne le violon avec musicalité et poésie.


Marie Humbert

 

C’est dans un style très russe, très personnel, parfois jugé comme non-conforme par le régime soviétique, que Galina Ustvolskaya se dévoile à nos tympans. Pourtant, ce sont de très belles pages symphoniques et pianistiques que nous offre son Concerto pour piano, cordes et timpani. Composée en 1946, cette œuvre est aussi la première du catalogue de la compositrice. C’est une ouverture grandiose, certaines pages montrant une maîtrise de l’orchestre qui ne déplaira certainement pas. Si certains ont pu qualifier Ustvolskaya de compositrice « incommunicable », « étroite » d’esprit et « obstinée », ce sont avant tout des qualités qui n’ont pas été remarquées par un régime soviétique dictatorial. Elle nous offre donc ses « marteaux », comme le disait le critique néerlandais Elmer Schönberger, dans certains passages pianistiques, et ce n’est pas pour nous déplaire !



Gabriel Navaridas

bottom of page