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Les contemporaines et leur musique de chambre : le pari réussi de la Nuit du Quatuor

Dernière mise à jour : 19 août 2021

Musée de l’orangerie, 6 octobre 2018


En 2017, la Nuit du quatuor, manifestation organisée par ProQuartet pour mettre en avant les jeunes (et moins jeunes) quatuors à cordes que la fondation soutient, avait attiré du monde, beaucoup de monde. Répartis entre un hôtel particulier du boulevard Haussmann, le Musée de l’Orangerie et le studio de la Philharmonie de Paris, les concerts avaient duré toute la nuit et les passionnés avaient subi jusqu’à trois heures de queue pour pénétrer dans le saint des saints.


Drôle d’idée donc, cette année, de réduire le nombre de concerts et de les concentrer sur le site du Musée de l’Orangerie. Chez ComposHer, on était pour le moins sceptiques. Mais le principe restait simple : toutes les heures, une nouvelle fournée de spectateurs (la salle étant intégralement vidée), un nouveau concert avec un nouveau jeune quatuor et… une nouvelle création d’une œuvre d’une compositrice. Les manifestations de ce genre étant rares, ComposHer a accouru mais, piégées dans la queue, nous n’avons assisté qu’à deux concerts. La soirée a commencé avec une pièce de la compositrice libanaise Dzovinar Mikirditsian, Jarma, interprétée par le Quatuor Arod. A tendance presque bruitiste, complètement atonale, l’œuvre explore les possibilités les plus extrêmes des instruments à cordes et exige des instrumentistes une certaine virtuosité : harmoniques suraiguës, trilles, pizzicati, jeu sul ponticello (sur le chevalet) ou sul tasto (sur la touche)… Pas de mélodie ni de ligne musicale directrice, mais une juxtaposition d’effets subtils, qui construit peu à peu une atmosphère méditative et céleste, tout autant qu’inquiétante, et n’est pas sans rappeler la délicatesse de Sous une nuit dilatée. Si l’on reste quelque peu perplexe devant la complexité de l’œuvre, on a également le souffle coupé par la poésie difficilement explicable qui s’en dégage. On reste aussi très impressionné par la technique sans faille du Quatuor Arod et le dialogue parfait qui semble régner entre les instrumentistes malgré les difficultés de la partition. Plus tard dans la nuit, Leilei Tian a offert au public de la salle des Nymphéas une autre création, en adéquation parfaite avec l’atmosphère du lieu : Quatre pétales d’un lotus, interprétée par le Quatuor Tana. La compositrice chinoise, qui nous avait davantage habitués à des pièces rythmiques et agressives lorsqu’elle composait pour instruments à vents (Roaring in the Clouds), change complètement de langage pour aborder le quatuor à cordes. L’œuvre s’articule autour d’une mélodie mélancolique, qui évoque des thèmes tziganes, au violon, et d’un accompagnement plus dramatique, construit par un véritable grondement au violoncelle et des trilles aux voix intermédiaires. La présence de nombreux arpèges et une tonalité assez clairement perceptible rendent la pièce presque classique par instants, mais l’absence de structure ou de mesure claire et le mouvement perpétuel qui l’animent lui confèrent tout de même une certaine modernité. On reste bouche bée devant les trilles lumineux et délicats du premier violon, et surtout devant la fin de la partition, tout en aigus scintillants et poétiques. Deux pièces, deux quatuors, deux exemples des multiples découvertes que proposait cette nouvelle édition de la Nuit du Quatuor. De jeunes quatuors talentueux mais dont les noms ne sont, pour certains, pas encore connus de tous, ont interprété avec un grand courage artistique ces œuvres nouvelles et audacieuses, et le public n’a pas manqué. Pourquoi ? Parce que la chance que l’on a d’assister à ces concerts, à quelques mètres à peine des instrumentistes, dans le cadre intimiste du musée, est inestimable. Et, espérons-le, parce que la musique contemporaine, bien présentée et interprétée avec brio, continue d’enthousiasmer un public toujours renouvelé.

Clara Leonardi



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