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Clytemnestra - Rhian Samuel

Dernière mise à jour : 23 oct. 2021

Janvier 2020

Rhian Samuel - Clytemnestra I. The Chain of Flame II. Lament for his Absence III. Agamemnon's Return IV. The Deed V. Confession VI. Defiance VII. Epilogue

BBC National Orchestra of Wales (dir. Jac van Steen), Ruby Hughes (soprano)


« Peut-on vraiment se permettre de condamner une femme qui tue le meurtrier de sa fille — une femme placée dans une situation intolérable ? » C’est la question que pose la compositrice Rhian Samuel à travers les sept mouvements de Clytemnestra. Cette grande fresque pour orchestre et soprano commandée par l’Orchestre national de la BBC du Pays de Galles (BBC NOW) en 1994 revient sur les affres traversées par la reine Clytemnestre lors de la guerre de Troie : on se souvient que son mari Agamemnon avait sacrifié leur fille, Iphigénie, afin de s’assurer au départ d’Aulis des vents favorables.

Mais le retour d'Agammemnon est annoncé (« I. The Chain of Flame ») ! Tout dans l’écriture orchestrale – accents stridents et inquiétants du piccolo, bouillonnement des violoncelles et des contrebasses, sonneries polytonales des vents martelées avec insistance, percussions fugitives et menaçantes… – contribue à faire du retour victorieux d’Agamemnon un tableau tragique.

Le deuxième mouvement (« II. Lament for His Absence ») contraste résolument avec cet incipit sombre et violent : Clytemnestre, interprétée avec une remarquable suavité par Ruby Hughes évoque pudiquement le tarissement de ses larmes. Les cordes, lyriques, soulignent la résignation de celle qui attend malgré tout fidèlement le retour d’Agamemnon ; tour à tour rutilante et insidieusement inquiétante, l’orchestration des dernières mesures laisse entendre l’ampleur d’une palette sonore toute en finesse.


Bois, cuivres et percussions annoncent soudain l’arrivée triomphale d’Agamemnon (« III. Agamemnon’s Return »). Clytemnestre se plie aux usages, mais tout dans son être semble crier sa révolte : la sollicitude de ses préparatifs, soulignée par une écriture éthérée de quatuor à cordes, prend par instants l’expression d’injonctions arides et véhémentes (« My lord, step down from your chariot »). La progression du mouvement ne trompe pas l’auditeur·ice : le meurtre d’Agamnemon est imminent et advient au mouvement suivant (« IV. The Deed »). Entièrement instrumental, il est l’occasion d’un étrange dialogue entre une guitare basse (Agamemnon ?) et le reste de l’orchestre, qui l’écrase rapidement par son tumulte chaotique.


Que dire, une fois la vengeance accomplie ? Dans une curieuse anamnèse (V. Confession), Clytemnestre se remémore sa vie avec Agamemnon, la mort de sa fille, celle de son époux ; subtil, le cor anglais (puis le hautbois en relais) remplit le rôle de confident… jusqu’à ce que la monstruosité de son crime n’éclate (« His blood spattered me like dew / I gloried in it as fields in springtime glory in the rain »). Clytemnestre n’a jamais semblé aussi proche d’une de ses lointaines sœurs, la Salomé de Richard Strauss ; l’auditeur·ice croira ainsi peut-être également reconnaître le trille obsédant de la flûte intriquant chez Richard Strauss désir et mort, ou encore la troublante oscillation entre sprechgesang (à la lisière du chanté et du parlé) et répétition maladive (« Yes, this is my work and I claim it »).

Le tableau expressionniste disparaît cependant (« VI. Defiance ») : provocante, appuyée par des clarinettes moqueuses, Clytemnestre revendique son acte devant les anciens de Mycènes ; c’est l’occasion, pour elle, de souligner leur lâcheté envers un roi infanticide. L’épilogue (« VII. Epilogue »), enfin, constitue l’ultime mouvement de l’œuvre. Le tapis orchestral, sombre et dense, met en évidence la vulnérabilité de celle qui a perdu « [s]a fleur la plus douce, l’enfance de [s]es larmes » : la voix s’élève, fluide, et achève le portrait proposé par Rhian Samuel d’une très grande Clytemnestre.



Aurore Flamion



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