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Romantisme et nostalgie - Florilège #10

Dernière mise à jour : 19 août 2021

11 septembre 2020


On a rarement vu une version aussi chopinienne du Concerto pour piano en la mineur de Clara Schumann que celle de Gabriela Montero : plus légère, plus affable aussi que celle de Veronica Jochum par exemple, cette lecture de la pianiste vénézuélienne souligne plus que jamais le caractère improvisé de la partie soliste, notamment dans le premier mouvement. La « Romanze », bercée par le même naturel, est moins mélancolique que délicieusement nostalgique. Le violoncelle solo du Canada's National Arts Centre Orchestra apporte une touche d’un romantisme plus fiévreux assez bienvenue… Avant un finale là encore finalement peu fougueux : le tempo est assez modéré, l’orchestre plus solennel que tragique, le piano plus élégant que passionné. Somme toute, Montero livre tout de même une version intéressante de cette œuvre de jeunesse, ici présentée sous le prisme de la légèreté avant tout. Ses improvisations évoluent dans le même univers : celui d’un romantisme nostalgique, poétique mais très sentimental. On regrettera donc simplement le contraste que crée la juxtaposition de ces œuvres plutôt douces de compositrices et improvisatrices hors pair avec le début bien plus martial de la Symphonie n°1 de Brahms, qui complète le disque… Pourquoi caricaturer ainsi l’opposition créateurs/créatrices ?


Clara Leonardi

 

Lors d’une précédente critique, nous avions déjà évoqué la profonde maîtrise du genre des variations par Louise Farrenc. Après Biliana Tzinlikova, c’est l’Américaine Joanne Polk qui consacre un nouvel album à la compositrice. La pianiste, à qui l’on doit l’intégrale des œuvres d’Amy Beach ainsi qu’un disque consacré à Cécile Chaminade, aborde ici deux aspects des pièces pour piano de Louise Farrenc.


Dans une première partie, on retrouve différentes variations, exercices que la compositrice appréciait véritablement : l’Air russe varié, mais aussi des variations directement inspirées d’opéras, ainsi avec cette Cavatine de Norma et ses couleurs chatoyantes. C’est ensuite à Meyerbeer que Farrenc rend hommage avec son Souvenir des Huguenots, dans un autre genre se pliant à l’exercice de la variation.


Autre volet de l’œuvre de Farrenc pour piano, ses Études présentées ici (extraits des livres 1 et 2) témoignent de son rôle de professeur. Un choix intelligent faisant la part belle aux exercices virtuoses, mais qui permet aussi de montrer que la compositrice s’inscrivait dans une ligne romantique plus riche et diversifiée que ses variations pouvaient le laisser supposer. Les extraits du livre 1 feront apprécier cette volonté permanente de favoriser l’agilité de mains sautillantes qui ne peuvent jamais s’attarder sur le clavier. Les amateurs de Chopin en trouveront une digne contemporaine dans le livre 2 et sa superbe 18e étude, mais aussi une personnalité musicale bien particulière marchant dans les pas de Beethoven avec tout autant de caractère et de détermination.


En pleine année Beethoven, qui tend à faire oublier ses injustement moins reconnus confrères et consœurs, nous ne pouvons qu’accueillir avec enthousiasme une nouvelle parution d’enregistrements de Louise Farrenc. Saluons ici le label de la très vénérable maison Steinway & Sons, qui au milieu de ses nombreuses parutions Beethoven, nous offre un peu d’originalité et ose mettre en avant une compositrice.


Amaury Quéreillahc

 

On connaissait les vastes poèmes symphoniques d’Helena Munktell, ses mélodies… Mais c’est la première fois que l’on entend au disque la Sonate pour violon op. 21 : quelle belle découverte ! Savant mélange d’un romantisme tardif, très exacerbé, et de passages plus méditatifs qui ne sont pas sans évoquer la Sonate de Franck, c’est bel et bien une grande œuvre de l’une des compositrices les plus fascinantes de l’école suédoise de la fin XIXème siècle. Si le piano de Bengt Forsberg dialogue à la perfection avec le violon de Cecilia Zilliacus, il demeure en retrait par rapport à cette dernière : vibrato ample et chantant, legato impeccable… Le jeu de la violoniste est irréprochable, et souligne autant la cohérence des longues phrases sentimentales de l’“Allegro non tanto”, de l’“Andante” et du final, qu’il rend les rythmes martiaux du “Scherzo” un peu plus aimables... Aimables, c’est le terme qui convient pour décrire les deux pièces d’Ika Peyron qui clôturent ce disque. Moins audacieuse que Munktell, moins célèbre aussi, on doit pourtant à cette compositrice de la même époque une délicieuse Romance, à laquelle Cecilia Zilliacus confère une pointe de fougue - assez nécessaire - et surtout une Humoresque… Vraiment humoristique, pleine d’espièglerie ! Espérons que d’autres enregistrements de cette qualité mettrons prochainement en lumière les nombreuses autres artistes suédoises de ce courant méconnu.


Clara Leonardi

 

Qui a dit qu’il y avait besoin d’un piano ? Les mélodies de Rebecca Clarke font dialoguer le violon (Eric Lewis) avec la voix (la soprano Margaret Astrup)… Et rien ne manque. Les 3 Irish country songs semblent issu d’un folklore imaginaire : les rythmes endiablés de « As I was goin’ to Ballynure » évoquent une danse populaire, la mélancolie de « Down by the Salley Gardens » une ancienne ballade. C’est le mariage avec le violon qui confère à ces airs une vraie modernité : dans un style faussement improvisé, il superpose au chant des harmonies parfois complexes, toujours poétiques. Dans un style plus traditionnel, les deux premières English songs ont un charme réel, mais la dernière « The Tailor and the mouse » est finalement la plus intéressante. Les arpèges virevoltants du violon et ses doubles cordes grinçantes ajoutent du mordant au chant déjà théâtral de la soprano : si le vibrato omniprésent de Margaret Astrup semble parfois un peu superflu, elle ne manque pas d’espièglerie ! Une belle découverte donc, au sein d’un disque entièrement consacrée à cette formation méconnue – amateurs de musique anglaise, cet album vaut le détour, ne serait-ce que pour admirer la complexité des dialogues du violon et de la voix !

Clara Leonardi

 

Pour son deuxième album, la pianiste Liza Stepanova, déjà très demandée dans les salles de concerts du monde entier, livre un récital regroupant des œuvres de compositeurs et compositrices contemporain.e.s. En ouverture du disque, une courte pièce de Lera Auerbach, extraite des Images de l'enfance : "An old photograph from the grandparent's Childhood" aux étonnantes lignes mélodiques nostalgiques et atonales. Vraie réussite d'interprétation, la captation offre un rendu étonnant et grâce à une réverbération remarquablement dosée, et fait sonner la pièce comme un enregistrement d'un temps lointain. Également mise en avant, la compositrice américaine Gabriela Lena Franck voit ici gravée sa pièce Karnavalito n°1, dont la pianiste surmonte aisément les nombreuses difficultés techniques et aboutit à une parfaite maîtrise rythmique. L'interprète fait intelligemment ressortir les différentes influences de l'œuvre de G.L. Franck, souvent présentée comme à mi-chemin entre Bartok et Ginastera. Un choix de programme courageux pour un deuxième album, mais fort bien défendu, qui s'éclaircit en lisant le titre du disque : E PLURIBUS UNUM, la devise des Etats-Unis, qui signifie "de plusieurs,un".


Raphaël Godefroid


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